Le luxe de ralentir

Il n’y a pas assez de 24 heures dans une journée. J’ai trop de choses à faire pour ralentir. Je n’ai pas les moyens de prendre mon temps… Autant d’arguments qu’on m’oppose quand j’évoque mes aspirations à ralentir. On me parle de la chance que j’ai de pouvoir vivre à mon rythme, d’exercer une activité qui me permet d’avoir du temps libre. Mais pourtant suis-je réellement une privilégiée ? Existe-t-il qui que ce soit qui ne puisse pas se permettre le luxe de ralentir ?

Le luxe de ralentir face à l’instantané

Nous sommes clairement entrés dans l’ère du temps réel. C’est tellement pratique ce GPS qui nous fait changer d’itinéraire pour éviter un bouchon avant même qu’on ne remarque le moindre ralentissement.

J’ai parfois l’impression que d’humain à humain, nous finissons par nous attendre à cette même instantanéité. Je suis de celle qui préfèrent envoyer des mails que de passer un coup de fil dans la cadre de mes activités professionnelles. Je me dis que la personne pourra répondre à ma demande quand elle sera disponible, un appel téléphonique étant à mon sens bien plus intrusif.

Il m’arrive régulièrement d’envoyer des mails le dimanche ou les jours fériés, tout simplement parce que je le fais directement quand me vient l’idée, je ne note pas « envoyer un mail à Untel » dans ma To Do List. Je le fais, ça ne prend pas plus de temps. Je suis toujours étonnée de voir qu’en réponse certaines personnes s’excusent de ne pas avoir répondu dans la foulée, mais qui le demandait ? Certainement pas moi ! Après tout, une question posée par mail nécessite rarement une réponse urgente. Pour les urgences justement, on prend le temps de passer un coup de fil non ?

S’accorder le luxe de ralentir, c’est peut-être aussi se permettre de consulter ses messages, que ce soit par mail ou sur les réseaux sociaux seulement quand nous sommes disponibles, et pas parce qu’une notification nous a invité à le faire.

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Le luxe de ralentir au travail

Cultiver le luxe de ralentir dans sa manière d’entreprendre, c’est l’essence de mon activité professionnelle. Je ne sais que trop bien à quel point ralentir peut paraitre farfelu dans le monde du travail. On imagine facilement le slow entrepreneuriat réservé à une élite de globe-trotters ou autres digital nomades…

A l’heure ou on nous assène chaque matin les chiffres du chômage comme un coup de massue, celui qui décide de ralentir dans sa vie professionnelle peut vite passer pour un original. Il n’est pas rare même, de ressentir une certaine animosité de son entourage vis-à-vis de ce temps qu’on a choisi de s’accorder.

Et c’est peut-être là que réside le luxe de ralentir : dans nos milieux professionnels, il est d’usage d’être oppressé, stressé et de baigner dans une éternelle urgence. Il est alors facile d’oublier que rendement et surexploitation n’engendrent pas forcément efficacité et profit.

Le luxe de ralentir à la portée de tous

La France, son champagne, sa haute couture, ses parfums… Autant de domaines qui font des français de dignes représentants du luxe de par le monde. Quand je pense à la notion de ralentir à la française, j’imagine Proust et sa madeleine, ou encore Amélie Poulain qui fait des ricochets sur le canal St Martin. On est quand même bien loin de l’image inaccessible du milliardaire qui se prélasse mollement sur son yacht dans des eaux turquoise.

Si ralentir reste perçu comme un luxe c’est sans doute parce que l’on assimile souvent cela à de la paresse, de l’oisiveté. Mais au fond, ces tous petits plaisirs sont à la portée de tous. Les accueillir, c’est se donner les moyens qu’ils en amènent de plus grands.

Au final, s’offrir le luxe de ralentir, ça commence par une prise de conscience, ça se poursuit par un choix, et ça peut démarrer aujourd’hui.